Un cœur qui transforme les « loups » en « agneaux »
Au cours de mon service comme Recteur Majeur, j’ai pu constater que l’Étrenne est l’un des plus beaux cadeaux que Don Bosco et ses successeurs offrent chaque année à toute la Famille Salésienne. C’est une aide pour cheminer ensemble et atteindre les lieux les plus éloignés de manière capillaire et, en même temps, laisser aux réalités individuelles la liberté d’accueillir, d’intégrer, de valoriser ce qui est proposé pour le chemin propre à chacune des communautés éducatives et pastorales.
En 2024, nous célébrerons le deuxième Centenaire du « rêve-vision que « Giovannino » – le petit Jean – a eu entre 9 et 10 ans dans la maison Becchi »[1] en 1824 : le rêve des neuf ans.
Je considère que le bicentenaire du rêve qui « a conditionné toute la manière de vivre et de penser de Don Bosco, et en particulier la manière de sentir la présence de Dieu dans la vie de chaque personne et dans l’histoire du monde »,[2] mérite d’être placé au centre de l’Étrenne qui guidera l’année éducative et pastorale de toute la Famille Salésienne. Il pourra être repris et approfondi dans la mission d’évangélisation, dans les interventions éducatives et dans les actions de promotion sociale qui, dans toutes les parties du monde, sont menées par les groupes de notre Famille qui trouve en Don Bosco le père inspirateur.
« Je voudrais rappeler ici le « rêve des neuf ans ». I1 me semble, en effet, que cette page autobiographique offre une présentation simple, mais en même temps prophétique, de l’esprit et de Ia mission de Don Bosco. S’y trouve défini le champ d’action qui lui est confié : les jeunes ; s’y trouve indiqué l’objectif de son action apostolique : les faire grandir en tant que personnes au moyen de l’éducation ; s’y trouve proposée la méthode éducative qui s’avérera efficace : le Système Préventif ; s’y trouve présenté l’horizon vers lequel s’orientent toute son action et la nôtre : le projet merveilleux de Dieu qui, avant tous et plus que tout autre, aime les jeunes. »[3] C’est ce qu’écrivait le P. Pascual Chávez Villanueva, Recteur Majeur Émérite, à la fin de son commentaire de l’Étrenne 2012 offerte à la Famille Salésienne pour la première année du triennium préparatoire au bicentenaire de la naissance de Don Bosco (année 2015).
Ce texte est une belle synthèse qui présente l’essence de ce qu’est le « rêve des 9 ans » dans sa simplicité et sa prophétie, dans sa valeur charismatique et éducative. C’est un rêve emblématique que, tout au long de cette année, nous essaierons de rapprocher encore plus du cœur et de la vie de toute la Famille de Don Bosco. Il s’agit d’un rêve, d’un « fameux rêve-vision qui allait devenir et constitue aujourd’hui encore un pilier important, presque un mythe fondateur, dans l’imaginaire de la Famille Salésienne »,[4] un rêve qui nécessite certainement une contextualisation et une attention critique – ce que Don Bosco lui-même a fait et que nos experts en histoire salésienne ont effectué – afin de pouvoir offrir une lecture et donner une interprétation actuelle, vitale et existentielle. Sans aucun doute, c’est un rêve que Don Bosco a gardé dans son esprit et dans son cœur tout au long de sa vie, comme il le déclare lui-même : « À cet âge, j’ai fait un rêve qui me laissa pour toute la vie une profonde impression. »[5] C’est donc un rêve qui a été présent en lui et tout au long du cheminement de la Congrégation Salésienne jusqu’à aujourd’hui, et qui rejoint sans aucun doute toute notre Famille Salésienne.
Dans les paroles du P. Rinaldi, rapportées à l’occasion du premier centenaire du rêve, nous lisons : « Son contenu est en effet d’une telle importance qu’en ce centenaire, nous devons nous faire un devoir strict de l’approfondir avec une méditation plus assidue dans tous les détails, et de mettre en pratique ses enseignements avec générosité, si nous voulons mériter le nom de vrais fils de Don Bosco et de parfaits Salésiens. »[6] Nous sommes en train de vivre intensément l’événement extraordinaire de ce deuxième centenaire qui verra sans aucun doute de nombreuses manifestations dans le monde salésien. Que l’expression de tout cela atteigne le moment le plus festif, festif et aussi le plus profond de la révision pleine d’espérance de nos vies, en faisant des propositions courageuses aux jeunes pour les aider à rêver « grand », certains de la présence du Seigneur Jésus et « main dans la main » avec la Maîtresse de vie, la Dame du rêve, notre Mère.
1. « J’AI FAIT UN RÊVE… » : UN RÊVE TRÈS SPÉCIAL
C’est vrai, il y a deux cents ans, Jean Bosco fit un rêve qui l’a « marqué » pour le reste de sa vie, un rêve qui a laissé en lui une marque indélébile, dont Don Bosco n’a pleinement compris le sens qu’à la fin de sa vie. Voici donc le rêve raconté par Don Bosco lui-même d’après l’édition critique d’Antonio da Silva Ferreira, dont nous ne différons que par deux petites variantes.[7]
[Cadre initial] À cet âge, j’ai fait un rêve qui me laissa pour toute la vie une profonde impression.
[Vision des garçons et intervention de Jean] Pendant mon sommeil, il me sembla que je me trouvais près de chez moi, dans une cour très spacieuse. Une multitude d’enfants, rassemblés là, s’y amusaient. Les uns riaient, d’autres jouaient, beaucoup blasphémaient. Lorsque j’entendis ces blasphèmes, je m’élançai au milieu d’eux et, des poings et de la voix, je tentai de les faire taire.
[Apparition de l’homme vénérable] À ce moment apparut un homme d’aspect vénérable, dans la force de l’âge et magnifiquement vêtu. Un manteau blanc l’enveloppait tout entier. Son visage étincelait au point que je ne pouvais le regarder. Il m’appela par mon nom et m’ordonna de me mettre à la tête de ces enfants. Puis il ajouta : « Ce n’est pas avec des coups mais par la douceur et la charité que tu devras gagner leur amitié. Commence donc immédiatement à leur faire une instruction sur la laideur du péché et l’excellence de la vertu. » Confus et effrayé je lui fis remarquer que je n’étais qu’un pauvre gosse ignorant, incapable de parler de religion à ces garçons. Alors les gamins, cessant de se disputer, de crier et de blasphémer vinrent se grouper autour de l’homme qui parlait.
[Dialogue sur l’identité du personnage] Sans bien réaliser ce qu’il m’avait dit, j’ajoutai : « Qui êtes-vous donc pour m’ordonner une chose impossible ? » – C’est précisément parce que ces choses te paraissent impossibles que tu dois les rendre possibles par l’obéissance et l’acquisition de la science. – Où, par quels moyens pourrai-je acquérir la science ? – Je te donnerai la maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui toute sagesse devient sottise. – Mais, vous, qui êtes-vous pour me parler de la sorte ? – Je suis le fils de celle que ta mère t’a appris à saluer trois fois par jour. – Ma mère me dit de ne pas fréquenter sans sa permission des gens que je ne connais pas : dites-moi donc votre nom. –Mon nom, demande-le à ma mère.
[Apparition de la dame à l’aspect majestueux] À ce moment-là, je vis près de lui une dame d’aspect majestueux, vêtue d’un manteau qui resplendissait de toutes parts comme si chaque point eût été une étoile éclatante. S’avisant que je m’embrouillais de plus en plus dans mes questions et mes réponses, elle me fit signe d’approcher et me prit avec bonté par la main. « Regarde », me dit-elle. Je regardai et m’aperçus que tous les enfants s’étaient enfuis. À leur place, je vis une multitude de chevreaux, de chiens, de chats, d’ours et de toutes sortes d’animaux. « Voilà ton champ d’action, (me dit-elle), voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste et tout ce que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu devras le faire pour mes fils. » Je tournai alors les yeux et voici qu’à la place de bêtes féroces, apparurent tout autant de doux agneaux. Tous, gambadant de tous côtés et bêlant, semblaient vouloir faire fête à cet homme et à cette femme. À ce moment-là, toujours sommeillant, je me mis à pleurer et demandai qu’on voulût bien me parler de façon compréhensible car je ne voyais pas ce que cela pouvait bien signifier. Alors elle me mit la main sur la tête et me dit : « Tu comprendras tout en son temps. »
[Conclusion]À ces mots, un bruit me réveilla et tout disparut. Je demeurai éberlué. Il me semblait que les mains me faisaient mal à cause des coups de poings donnés et que ma figure était endolorie des gifles reçues. Et puis, ce personnage, cette dame, ce que j’avais dit et entendu, tout cela m’obsédait à tel point que, cette nuit-là, je ne pus me rendormir. Au matin, je m’empressai de raconter ce rêve, d’abord à mes frères qui se mirent à rire, puis à ma mère et à ma grand-mère. Chacun donnait son interprétation. Mon frère Joseph disait : « Tu deviendras gardien de chèvres, de moutons ou d’autres bêtes. » Ma mère : « Qui sait si tu ne dois pas devenir prêtre ? » Antoine, d’un ton sec : « Peut-être seras-tu chef de brigands ! » Mais ma grand-mère qui savait pas mal de théologie – elle était parfaitement illettrée –, énonça une sentence péremptoire : « Ilne faut pas faire attention aux rêves. » Moi, j’étais de l’avis de grand-mère. Malgré tout il me fut désormais tout à fait impossible de m’enlever ce rêve de la tête. Ce que je raconterai par la suite lui donnera quelque signification. J’ai toujours gardé le silence sur tout cela et mes parents n’en firent jamais cas. Mais, quand je me rendis à Rome en 1858 pour traiter avec le pape de la Congrégation Salésienne, il se fit tout raconter minutieusement, même ce qui pouvait n’avoir que l’apparence de surnaturel. Je racontai alors pour la première fois le rêve que j’avais fait à l’âge de neuf ou dix ans. Le pape m’ordonna de l’écrire dans son sens littéral, en détail, et de le laisser ainsi comme encouragement aux fils de la Congrégation qui était l’objet de ce voyage à Rome.
Le même rêve se reproduira plusieurs fois dans la vie de Don Bosco et lui-même, qui nous a raconté de sa propre main dans les Memorie ce premier événement dont nous commémorons maintenant le bicentenaire, raconte à plusieurs reprises tout ce qu’il rêve à nouveau bien des années plus tard. En effet, le rêve des neuf ans n’est pas un rêve isolé, mais il fait partie d’une longue et complémentaire séquence d’épisodes oniriques qui ont accompagné la vie de Don Bosco. Il relie lui-même, en les intégrant, trois rêves fondamentaux : celui de 1824 (aux Becchi), celui de 1844 (au Convitto ecclesiastico) et celui de 1845 (dans les œuvres de la Marquise de Barolo), rêves qui contiennent des éléments de continuité et d’autres éléments nouveaux. Dans le rêve, on reconnaît toujours en filigrane le premier tableau et la première scène du pré des Becchi, mais avec de nouveaux détails, de nouvelles réactions, de nouveaux messages, liés aux saisons de la vie que Don Bosco – et non plus Giovannino – vit dans le plein développement de sa mission.
Une autre fois, bien des années plus tard, c’est Don Bosco lui-même qui en parla au P. Barberis en 1875, alors qu’il avait déjà soixante ans. À cette époque, Don Bosco avait vu naître la Congrégation Salésienne (18 décembre 1859), l’Archiconfrérie de Marie Auxiliatrice (18 avril 1869), l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice (5 août 1872) et la Pieuse Société des Coopérateurs Salésiens – selon le nom originel donné par Don Bosco – approuvée le 9 mai 1876.
Lorsque ce rêve s’est présenté pour la dernière fois, Don Bosco était, comme déjà dit, un homme mûr : il a vécu de nombreuses situations, il a affronté et surmonté de nombreuses difficultés, il a vu par lui-même ce que la Grâce et l’Amour de la Vierge Marie avaient opéré en ses garçons ; il a vu beaucoup de miracles de la Providence et n’a pas peu souffert. « « Tu comprendras tout en son temps », lui avait prophétisé le premier songe ; et en 1887, lors de la messe de consécration du temple du Sacré-Cœur à Rome, il entendit cette voix résonner à son oreille et il pleura de joie, il pleura en contemplant les effets merveilleux de sa foi invaincue. »[8]
2. UN RÊVE AUQUEL TOUS LES RECTEURS MAJEURS ONT FAIT RÉFÉRENCE
Je suis particulièrement frappé par le fait que tous les Recteurs Majeurs – à l’exception de Don Rua dont je n’ai pu trouver aucune citation – se sont référés au rêve, à ce rêve de Don Bosco qui a marqué notre Congrégation et la Famille Salésienne. En ce moment, je profite d’un magnifique travail de recherche effectué par M. Marco Bay.[9]
Le P. Paul Albera, deuxième successeur de Don Bosco, se référant à l’Oratoire du Valdocco comme l’Oratoire de Don Bosco, première et unique œuvre pendant de nombreuses années, se réfère au rêve comme au rêve mystérieux dans lequel la Providence lui confie la mission :
« La première Œuvre de D. Bosco, la seule pendant de nombreuses années, fut l’Oratoire des jours de fête (« oratorio festivo »), son Oratoire des jours de fête, qu’il avait déjà entrevu dans le rêve mystérieuxqu’il fit à l’âge de neuf ans et dans les suivants qui éclairèrent progressivement son esprit sur l’Œuvre que la Providence lui avait confiée. »[10]
Le P. Philippe Rinaldi, troisième successeur de Bosco, est celui qui a l’opportunité de vivre le premier centenaire de ce rêve et qui s’efforce de faire en sorte que toute la Congrégation soit imprégnée de la grâce de vivre cet événement. Pour cette raison, il prodigue ces encouragements :
« Dans ma circulaire sur le Jubilé de nos Constitutions, je vous ai déjà parlé, mes chers fils, du centenaire du premier rêve de Don Bosco, en vous invitant à méditer ce rêve et à le mettre en pratique (…) Relisons ensemble, mes bien chers, la page écrite par notre Vénérable Père pour notre instruction, en obéissance au Vicaire de Jésus-Christ ; oui, relisons-la avec une grande vénération, et fixons mot pour mot dans notre esprit cette page qui nous décrit de façon évangélique l’origine surnaturelle, la nature intime et la forme spécifique de notre vocation. Plus on lit cette page, plus elle devient nouvelle et lumineuse. »[11]
Et dans ce même écrit, il fait comprendre aux confrères que, de même que Don Bosco, dans le rêve des neuf ans, a été appelé à une mission, de même nous aussi, nous avons été appelés, sous la conduite bienveillante de la Vierge elle-même qui nous prend par la main, nous montre notre champ d’action et nous stimule de mille manières à acquérir les dons de l’humilité, de la force et de la santé. Nous comprenons parfaitement comment s’applique à nous l’invitation péremptoire à être forts, humbles et robustes : invitation que la Dame du rêve a adressée à Jean Bosco.
« Nous aussi avons reçu l’ordre d’acquérir les moyens nécessaires pour mettre en pratique cette méthode, c’est-à-dire l’obéissance et la science, sous la conduite de la Vierge ; ce que nous avons fait (ou que nous faisons) au cours des années de notre formation religieuse et sacerdotale. Pendant toutes ces années heureuses, la Très Sainte Vierge nous a aussi pris par la main avec bonté et, nous indiquant le champ futur de notre action, nous a stimulés de toutes les manières à acquérir l’humilité, la force et la santé, qui sont les qualités strictement nécessaires à tout vrai fils de Don Bosco. Enfin, nous aussi, nous pourrons voir des multitudes de jeunes, jusque-là complètement ignorants des choses de Dieu, et peut-être déjà malheureuses victimes du mal, courir éclairés, guéris et joyeux pour célébrer Jésus et Marie Auxiliatrice. »[12]
Et, presque comme un encouragement à célébrer ce bicentenaire d’une manière grande et significative, je reprends le Bulletin Salésien du temps du P. Rinaldi, qui raconte la célébration qui a eu lieu à Rome en sa présence :
« Pour un rêve, écrivait le Corriere d’Italia du 2 mai dernier, pour la beauté idéale d’un rêve, hier, dans la grande cour des Œuvres de Don Bosco à Rome, des milliers d’âmes en liesse et applaudissant à tout rompre se sont rassemblées en foule, avec le Cardinal Cagliero, le vénérable Missionnaire, le propre successeur de Don Bosco, le Père Rinaldi, et le Ministre de l’Instruction Publique, Pietro Fedele, pour rendre un hommage émouvant de toutes les puissances de l’esprit à l’incomparable Maître qui, dans l’humilité lumineuse de la Foi, avait suivi les chemins radieux de ce rêve sublime (…) Une couronne vivante de jeunes, garçons et filles, élèves de Don Bosco, une grande foule d’hommes de tous milieux – professionnels, enseignants, militaires, prêtres – tous rassemblés au nom du doux Maître. »
« Il y a cent ans (une autre année sainte, pourquoi l’oublier ?), enfant, Don Bosco faisait un rêve doux et mystérieux. Il voyait d’abord un groupe de garçons des rues qui se battaient entre eux, blasphémaient et juraient. Et il essayait de les rappeler à l’ordre avec son bâton. Il vit alors une Dame et un Homme qui le conduisirent vers un autre groupe, de bêtes, cette fois, de chiens et de chats qui se battaient eux aussi, aboyant et ricanant, mais qui, à un signe de tête des deux personnages, se transformèrent en un troupeau d’agneaux paisibles. »
« Après cent ans, ce rêve est devenu réalité – splendide, vibrante, grandiose. C’est une histoire merveilleuse qui engage déjà le destin de millions de personnes, dans les écoles, dans les missions, dans la vie, dans la prière, dans l’espérance ; toutes les personnes qui ont salué et saluent Don Bosco, le plus grand et le plus saint maître de vie que l’Église et l’Italie aient donné au monde au cours de notre siècle. »[13]
Et le P. Pierre Ricaldone, quatrième successeur de Don Bosco, a vu le germe de l’Oratoire des jours de fête et de toute l’Œuvre salésienne dans le rêve que le petit Jean a eu à l’âge de neuf ans. Suivront bien d’autres étapes, dit le P. Ricaldone, de nombreuses étapes d’une longue pérégrination, avant d’arriver à Pinardi, sur ses terres.
« Il n’y a pas de doute que le premier germe de l’Oratoire festif et de toute l’Œuvre salésienne, on doit le trouver, comme je l’ai dit tout à l’heure, dans le rêve fatidique que Giovannino a eu à l’âge de neuf ans. La Dame à l’aspect majestueux dit alors au jeune berger des Becchi : » Voici ton champ d’action : rends-toi humble, fort, robuste ; et ce que tu vois arriver à ces animaux en ce moment, tu devras le faire pour mes enfants. » Les Becchi, Moncucco, Castelnuovo, Chieri, sont autant d’étapes : mais Giovannino Bosco est à peine en route ; il marche vers un autre but. Le 8 décembre 1841 est plus qu’un point d’arrivée, c’est un autre point de départ. Il doit accomplir de nouveaux pèlerinages avant d’arriver au hangar Pinardi, au Valdocco, sa terre promise. Pour en revenir à la première image, la tendre petite plante a enfin trouvé sa propre terre ; et à partir de maintenant nous la verrons devenir plus forte et plus grande au-delà de toutes les prévisions humaines. »[14]
Le P. Ricaldone croit même que l’amour et le zèle de Don Bosco pour les vocations proviennent aussi du rêve des neuf ans :
« L’amour et le zèle de Don Bosco pour les vocations ont leur première origine dans le rêve fatidique qu’il fit à l’âge de neuf ans, rêve qui se renouvela de diverses manières substantiellement uniformes pendant presque vingt ans (…) En effet, après ce rêve, le désir de Jean d’étudier pour devenir prêtre et se consacrer au salut des jeunes grandit en lui. »[15]
Le P. René Ziggiotti, cinquième successeur de Bosco, souligne, d’une manière toute particulière, le grand don que la Maîtresse a été pour Don Bosco. En effet, c’est le Seigneur qui fait le don de sa Mère à Jean, surtout comme guide. C’est ainsi qu’il s’exprime :
« « Je te donnerai la Maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui toute sagesse devient sottise » est le mot fatidique du premier rêve, prononcé par le mystérieux personnage, « le Fils de Celle que ta mère t’a appris à saluer trois fois par jour. » C’est donc Jésus qui donne à Don Bosco sa Mère comme Maîtresse et guide infaillible sur le chemin difficile de toute sa vie. Comment pourrions-nous être assez reconnaissants pour ce don extraordinaire qui a été donné par le Ciel à notre Famille ? »[16]
Et elle, la Mère, la Madone, la Dame du rêve sera tout pour Don Bosco. Cette certitude était très forte chez le P. Ziggiotti et c’est ce qui l’a conduit à demander à chaque Salésien :
« La Madone à qui il fut consacré par sa mère dès sa naissance, qui éclaira son avenir dans le rêve des neuf ans et qui revint ensuite le consoler et le conseiller, sous mille formes, dans les rêves, dans l’esprit prophétique, dans la vision intérieure de l’état des âmes, dans les miracles et les grâces sans nombre, qu’il opérait en l’invoquant, la Vierge Marie est tout pour Don Bosco ; et le Salésien qui veut acquérir l’esprit du Fondateur doit l’imiter dans cette dévotion. »[17]
Et le P. Louis Ricceri, sixième successeur de Don Bosco, a de magnifiques expressions sur le sens du rêve des neuf ans. Le P. Ricceri souligne combien ce rêve a été important pour Don Bosco au point de rester gravé dans son cœur et dans son esprit pour toujours, et comment à travers cela, il s’est senti appelé par Dieu :
« Le rêve des neuf ans. C’est le rêve, écrit Don Bosco dans ses Mémoires, « qui me laissa pour toute la vie une profonde impression. » (MO, 20). L’impression indélébile de ce rêve-vision est due au fait qu’il fut comme une lumière soudaine qui éclaira le sens de sa jeune existence et en traça le chemin. Comme le petit Samuel, Don Bosco s’est senti appelé et envoyé par Dieu en vue d’une mission : sauver les jeunes de tous les lieux, de tous les temps : ceux des pays chrétiens et la « multitude » de ceux des régions non chrétiennes qui vivent encore dans l’attente du grand avènement du Seigneur. »[18]
C’est le rêve, dit le P. Ricceri, dans lequel Don Bosco, qui n’a pas encore la pleine lucidité à cause de son jeune âge, a l’intuition de la grande valeur de vivre pour sauver les âmes, et cette conviction prend forme dans sa vie, dans son esprit, de plus en plus comme un don de la grâce. Et c’est à travers cet événement décisif de sa vie que Don Bosco a eu sa première grande intuition de ce que serait le Système Préventif dans le futur. « Ce n’est pas avec des coups mais par la douceur et la charité que tu devras gagner leur amitié », écrivait Don Bosco dans son récit de l’événement, après l’avoir entendu de la bouche de la Dame. À tel point qu’à l’avenir, nous pourrons parler d’une relation précieuse entre Don Bosco et la Mère du Seigneur. C’est ainsi que le P. Ricceri s’exprime magnifiquement :
« Sur la base de ce rêve, s’établit entre Don Bosco et la Mère de Jésus une relation à double sens, une collaboration permanente, qui caractérise la vie du futur apôtre. »[19]
Le P. Egidio Viganò, septième successeur de Don Bosco, nous offre d’autres réflexions non moins stimulantes. Je suis heureux de voir cette magnifique ligne de continuité de tous les Recteurs Majeurs dans la lecture, la méditation et l’interprétation du rêve par excellence, en en tirant des enseignements utiles aussi pour le temps présent. Le Père Viganò confirme, comme d’autres successeurs de Don Bosco avant lui, que Marie est la véritable inspiratrice, Maîtresse et Guide de la vocation de Jean, de notre Père Don Bosco.
« Il me semble particulièrement intéressant de souligner que, déjà à l’âge de neuf ans, dans le fameux rêve (qui se répétera plusieurs fois et auquel Don Bosco attache une importance particulière dans sa vie), Marie apparaît à sa conscience de croyant comme un personnage important directement intéressé par un projet de mission pour sa vie. C’est une Dame qui manifeste des préoccupations « pastorales » particulières pour les jeunes : en effet, elle s’est présentée à lui « sous l’apparence d’une Bergère ». Notons tout de suite, ici, que ce n’est pas Giovannino qui choisit Marie, mais que c’est Marie elle-même qui se présente en prenant l’initiative du choix : c’est Elle qui sera, à la demande de son Fils, l’Inspiratrice et la Maîtresse de la vocation de Jean. »[20]
La merveilleuse expérience vécue par Jean lui a permis de nouer une relation très personnelle avec Marie – la Dame du rêve – et c’est pour cette raison que Don Bosco fera l’expérience intime, tout au long de sa vie et à plusieurs reprises, de l’affection très spéciale et grande de la part de Marie. C’est une relation vraiment très spéciale avec la Vierge Marie.
Et le P.Juan Edmundo Vecchi, lehuitième successeur de Don Bosco, note aussi que, convaincu d’être envoyé aux jeunes, Don Bosco se devait de tout concentrer sur ce seul but sacré, les jeunes, et de leur consacrer toutes ses énergies. Tel est le fil conducteur du récit que Don Bosco fait de sa vie dans les Mémoires de l’Oratoire, à partir de son premier rêve : : « Le Seigneur m’a envoyé pour les jeunes ; je dois donc éviter de m’impliquer dans tout ce qui est étranger à ce projet et préserver ma santé pour les jeunes »,[21] toujours convaincu d’être un instrument du Seigneur et que toute sa vie est marquée par cet appel et cette mission auprès des jeunes. C’est ce que confirme un autre grand spécialiste de Don Bosco : « La conviction d’être l’instrument du Seigneur pour une mission tout à fait unique fut profonde et ferme en lui. C’est ce qui fondait en lui l’attitude religieuse caractéristique du serviteur biblique, du prophète qui ne peut échapper à la volonté divine. »[22]
Enfin, le P. Pascual Chávez, neuvième successeur de Don Bosco, parmi un grand nombre de textes, nous en offre un qui m’émeut. Il s’agit d’un hymne à la figure maternelle de Maman Marguerite qui, avec la grâce de Dieu, a su accompagner Giovannino en interprétant et en pressentant comment, dans le rêve des neuf ans, le Seigneur et la Vierge Marie appelaient son fils à une vocation très spéciale. On pourrait parler de Maman Marguerite, affirme le P. Pascual, comme d’une véritable éducatrice « salésienne ».
« C’est cet art éducatif qui a permis à Maman Marguerite d’identifier les énergies cachées chez ses enfants, de les mettre en lumière, de les développer et de les remettre presque visiblement entre leurs mains. C’est particulièrement vrai de son fruit le plus riche, Jean. Comme il est impressionnant de constater chez Maman Marguerite ce sens conscient et clair de la » responsabilité maternelle » dans le fait de suivre son enfant chrétiennement et de près, tout en lui laissant l’autonomie dans sa vocation, mais en l’accompagnant sans interruption dans toutes les étapes de sa vie jusqu’à sa mort !
Le rêve que Giovannino a fait à l’âge de neuf ans, s’il a été révélateur pour lui, l’a été certainement aussi (si ce n’est d’abord) pour Maman Marguerite ; c’est elle qui en a eu et manifesté l’interprétation : » Qui sait si tu ne dois pas devenir prêtre ! » . Et quelques années plus tard, lorsqu’elle se rendit compte que l’ambiance à la maison était négative pour Jean à cause de l’hostilité de son demi-frère Antoine, elle fit le sacrifice de l’envoyer travailler comme garçon de ferme dans l’exploitation agricole des Moglia à Moncucco. Une mère qui se prive de son très jeune fils pour l’envoyer travailler la terre loin de la maison, fait un vrai sacrifice. Cependant elle, elle le fit non seulement pour éliminer un désaccord familial, mais aussi pour diriger Jean sur la route que leur avait révélée le rêve, à elle et à lui (…) La Divine Providence lui fit la grâce d’être une éducatrice « salésienne ». »[23]
3. LE RÊVE PROPHÉTIQUE: un joyau précieux dans le charisme de la Famille de Don Bosco
Dans les points précédents, nous avons lu comment le P. Philippe Rinaldi invitait les confrères, et certainement à ce moment-là aussi les Filles de Marie Auxiliatrice, les Salésiens Coopérateurs, les Dévots de Marie Auxiliatrice et, j’imagine, également les Anciens Elèves, à lire le rêve, à l’approfondir, à l’intérioriser et à en ressentir l’écho, dans leurs cœurs. Je n’ai aucun doute là-dessus. Certes, il y a unanimité dans tous les écrits – qu’il s’agisse de recherches historiques, d’études historico-critiques, de réflexions sur la spiritualité salésienne ou de lectures éducatives et pastorales – pour reconnaître que ce rêve est bien plus qu’un simple rêve. Il contient, en effet, tant d’éléments charismatiques que j’ose l’appeler un joyau précieux de notre charisme et une véritable « feuille de route »pour la Famille de Don Bosco.
On pourrait vraiment dire que rien n’y manque et qu’il n’y a rien de superflu. C’est à cela que je veux faire référence maintenant.
Regarder le rêve
Où regarder en ce moment ? D’abord vers le rêve lui-même, car il est d’une richesse charismatique étonnante. Comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas un mot de trop et il ne manque certainement rien. Il est plus qu’évident que Don Bosco s’est efforcé de l’écrire pour nous faire comprendre qu’il ne s’agit pas seulement « d’un » rêve, mais que nous devons le considérer comme « le » rêve qui marquera toute sa vie – même si, à l’époque, alors qu’il était enfant, il ne pouvait pas l’imaginer. En effet, « Don Bosco, âgé de presque soixante ans – il se sentait vieux désormais, et il l’était pour l’époque – dut faire face au problème de donner un fondement historico-spirituel à sa Congrégation, en en rappelant les origines providentielles qui la justifiaient. Qu’y a-t-il de mieux que de « raconter » à ses fils comment le berceau de la « Congrégation des Oratoires », dans sa genèse, son développement, sa finalité et sa méthode, a été une institution voulue par Dieu comme instrument pour le salut de la jeunesse dans les temps nouveaux ? »[24] En effet, les Mémoires de l’Oratoire, où Don Bosco raconte le rêve, ne sont rien d’autre que le rêve qui s’est déroulé dans l’histoire de sa vie, à l’Oratoire et dans la Congrégation. C’est pourquoi il dit aussi dans l’introduction de son manuscrit :
« Voici donc ces menus souvenirs confidentiels, capables d’apporter quelque lumière et d’être utiles à (ceux qui travaillent dans) cette institution que la divine Providence a confiée à la Société de Saint-François-de-Sales. »[25] Et « À quoi donc ce travail pourra-t-il servir ? Il servira de norme pour surmonter les difficultés à venir en prenant leçon du passé. II servira à faire connaître comment Dieu lui-même conduit chaque chose en son temps. Enfin, il servira d’agréable délassement à mes fils quand ils pourront lire (le récit) des événements que leur père a vécus. Ils le feront encore plus volontiers quand, appelé à rendre compte à Dieu de mes actions, je ne serai plus au milieu d’eux. »[26]
La narration des Mémoires de l’Oratoire (et du rêve des neuf ans qui en fait partie) a été d’une telle importance qu’elle a impliqué d’importants experts salésiens dans son étude tout au long de leur vie, saisissant différentes perspectives au fil des ans. Un exemple riche et remarquable est constitué, par exemple, par les différents accents que le grand spécialiste de la pédagogie salésienne, le Père Pietro Braido, a mis en œuvre au cours de plusieurs décennies. Il s’agirait « d’une histoire édifiante laissée par un fondateur aux membres de la Société d’apôtres et d’éducateurs qui devaient perpétuer son œuvre et son style, en suivant ses directives, ses orientations et ses leçons. » (1965) – Ou « d’une histoire de l’Oratoire plus « théologique » et plus pédagogique que réelle, peut-être le document « théorique » d’animation le plus longuement médité et voulu par Don Bosco. » (1989) – « Peut-être le livre le plus riche de contenus et d’orientations préventives » que Don Bosco ait écrit : « un manuel de pédagogie et de spiritualité « racontée », dans une perspective clairement oratorienne » (1999) – Ou encore un écrit dans lequel « la parabole et le message » passent avant et « au-dessus de l’histoire » pour illustrer l’action de Dieu dans les affaires humaines, et ainsi, par la réjouissance et la récréation, « réconforter et confirmer les disciples » dans une claire perspective « oratorienne » (1999). [27]
L’une des pierres précieuses de ce joyau, auquel je me réfère, est celle qui nous permet, à nous qui entrons dans le rêve avec un cœur salésien, quel que soit notre parcours chrétien-salésien ou dans la Famille de Don Bosco, d’être interpellés dans nos cœurs : sommes-nous prêts à apprendre, sommes-nous disposés à nous laisser surprendre par Dieu qui accompagne nos vies, comme il a guidé la vie de Don Bosco, et à nous sentir fils et filles face à l’immense paternité qui émane de la figure de notre père ? Car :
Si l’on ne devient pas CROYANT et si l’on n’est pas convaincu que Dieu est à l’œuvre dans l’histoire, dans l’histoire de Don Bosco et dans l’histoire personnelle de chacun, on ne comprendra rien ou presque des Mémoires de l’Oratoire et du rêve, et tout cela ne sera qu’une « belle histoire ».
Si l’on ne devient pas FILS ou FILLE, on ne pourra pas se mettre à l’écoute de la paternité que Don Bosco entend communiquer à travers les Mémoires de l’Oratoire.
Si l’on ne devient pas DISCIPLE, disposé à apprendre, on n’entre pas vraiment dans l’esprit desMémoires de l’Oratoire et du rêve.
Il me semble que ces trois dispositions initiales (foi, filiation et être disciple) sont des « clés essentielles » pour comprendre et assumer pour nous-mêmes ce que Don Bosco nous a raconté et nous a laissé comme héritage spirituel. Ce qui s’est passé dans sa vie, ce qui l’a marqué et éclairé pour toujours, Don Bosco a voulu en faire un héritage qui aiderait profondément ses Salésiens et nous tous qui, par grâce, nous sentons et faisons partie de sa Famille.
Les jeunes, protagonistes du rêve …
Dès le premier instant du rêve, la « mission oratorienne » confiée à Jean Bosco est évidente, même s’il ne sait pas comment la réaliser ni comment l’exprimer. Comme nous pouvons le voir, la scène est pleine de garçons, des garçons qui sont absolument réels dans le rêve de Giovannino.
Par conséquent, il me semble possible de dire que les jeunes sont les protagonistes centraux du rêve, et que, même s’ils ne prononcent pas un mot, tout tourne autour d’eux. De plus, les personnages « célestes » et Jean Bosco lui-même sont là grâce à eux et pour eux. Tout le rêve est donc à eux et pour eux : pour les jeunes. Si nous excluions les jeunes de ce rêve, il ne resterait plus rien de significatif pour notre mission.
Mais ce qui est intéressant, c’est qu’ils ne sont pas comme une photographie qui fixe une image en un instant. Ces garçons sont constamment en mouvement et en action : aussi bien lorsqu’ils sont agressifs (comme des loups) que lorsqu’ils ne se supportent pas, et lorsque, transformés comme la Dame du rêve le demande à Giovannino, ils deviendront (comme des agneaux) des garçons sereins, amicaux et cordiaux. La chose la plus importante qui se passe dans le rêve et que Don Bosco lui-même apprend et, par la suite, tous ses disciples, c’est de découvrir que le processus de transformation est toujours possible. Il s’agit d’un mouvement – permettez-moi de le dire – « pascal », un mouvement de conversion et de transformation, de loups en agneaux, et d’agneaux en une communauté de jeunes – dirions-nous dans le langage d’aujourd’hui – qui célèbre Jésus et Marie. Il me semble certainement que c’est un élément essentiel et central du rêve.
… où il y a un appel vocationnel clair
« Voilà ton champ d’action, voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste et tout ce que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu devras le faire pour mes fils. »[28] Ce qui se passe dans le rêve est avant tout un appel, une invitation, une vocation, qui semble impossible, inaccessible. Jean Bosco se réveille fatigué ; il a même pleuré. Et quand l’appel vient de Dieu (le personnage d’aspect vénérable dans le rêve est Jésus), la direction qu’un tel appel peut prendre est imprévisible et déconcertante.
Cet appel est quelque chose de très spécial dans le rêve, il est d’une richesse unique. Je dis cela parce qu’il semblerait qu’en raison de son âge, de son absence de père, du manque presque total de ressources, de la pauvreté, des problèmes internes au sein de la famille, des querelles avec son demi-frère Antoine, des difficultés d’accès à l’école à cause de la distance et de la nécessité de travailler dans les champs, il n’y ait pas d’autre avenir possible pour Jean que de rester là, à cultiver les champs et à s’occuper des animaux. Pour nous aussi, ce rêve peut sembler irréalisable et lointain, peut-être destiné à quelqu’un d’autre, mais pas à lui. C’est la même interprétation que la famille de Giovannino donne à ce rêve, comme le confirment les paroles de sa grand-mère : « Il ne faut pas faire attention aux rêves. »[29]
Cependant, c’est précisément cette situation difficile qui rend Don Bosco (à ce moment-là « Giovannino ») très humain, ayant besoin d’aide, mais aussi fort et enthousiaste. Sa volonté, son caractère, son tempérament, sa force d’âme et la détermination de sa mère, Maman Marguerite, une foi profonde de la part de sa mère et de Jean lui-même, rendent tout cela possible. Le rêve sera toujours là, mais lui le découvrira à travers la vie : j’ai compris comment, petit à petit, tout s’est réalisé… Il n’y a pas de magie, ce n’est pas un rêve « féerique », il n’y a pas de prédestination, mais une vie pleine de sens, de questions, de sacrifices, mais aussi de foi et d’espérance qui nous pousse à la découvrir et à la vivre chaque jour.
Dans le rêve, un homme très respectable, d’apparence virile, apparaît et parle à Jean, l’interroge et le remet entre les mains de sa Mère, la « Dame ». Il y a certainement un envoi en mission. Une mission de pasteur-éducateur où une méthode est également indiquée : la douceur et la charité. Voici un exemple de sa réponse vocationnelle :
« Jean, fidèle dès son plus jeune âge à l’inspiration divine, se met à travailler dans le champ d’action qui lui avait été assigné par la Providence. Il n’a pas encore dix ans et il est déjà apôtre parmi ses compatriotes du village de Murialdo. N’est-ce pas un « Oratoire festif », quoique embryonnaire, à l’état d’esquisse, qu’en 1825 commença le petit Jean, en utilisant les moyens compatibles avec son âge et son éducation ?
Doué d’une mémoire prodigieuse, amateur de livres, assidu aux prédications, il retient précieusement tout, instructions, faits, exemples, pour les répéter à son petit auditoire, inculquant avec une efficacité admirable l’amour de la vertu à ceux qui accourent pour admirer son habileté dans les jeux et entendre ses paroles enfantines mais chaleureuses. »[30]
Et elle, Marie, marquera à jamais le rêve de Jean et la vie de Don Bosco
Nous en arrivons au moment central du rêve : la médiation maternelle de la Dame (liée au mystère du nom). Pour Jean Bosco, sa mère et la Mère « qu’il a appris à saluer trois fois par jour », ce sera un lieu d’humanité où se reposer, où trouver sécurité et refuge dans les moments les plus difficiles.
« Je te donnerai la maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui toute sagesse devient sottise. » C’est elle, en effet, qui lui indique à la fois le domaine où il devra travailler et la méthodologie à utiliser : « Voilà ton champ d’action, voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste. » Marie est sollicitée dès le début pour la naissance d’un nouveau charisme, car c’est précisément sa spécialité de porter en son sein et d’enfanter : c’est pourquoi, lorsqu’il s’agit d’un Fondateur, qui doit recevoir de l’Esprit Saint la lumière originelle du charisme, le Seigneur dispose que ce soit sa propre mère, Vierge de la Pentecôte et modèle immaculé de l’Église, qui en soit la Maîtresse. En effet, elle seule, la « pleine de grâce », comprend tous les charismes de l’intérieur, telle une personne qui connaîtrait toutes les langues et les parlerait comme s’il s’agissait de la sienne.[31] C’est comme si le Seigneur du rêve disait au tout jeune Jean Bosco : « Désormais, entends-toi bien avec elle. »
Comme déjà dit plus haut, « ce n’est pas Giovannino qui choisit Marie, mais c’est Marie qui se présente en prenant l’initiative du choix : c’est Elle qui sera, à la demande de son Fils, l’Inspiratrice et la Maîtresse de la vocation de Jean. »[32]
Cette dimension féminine-maternelle-mariale est peut-être l’une des dimensions les plus difficiles du rêve. Lorsque nous regardons cette réalité avec sérénité, cet aspect se transforme en quelque chose de beau. C’est Jésus lui-même qui donne à Giovannino une maîtresse qui est sa Mère, et à qui « il doit demander son nom. » Giovannino doit travailler « avec ses fils à elle », et c’est « Elle » qui s’occupera de la continuité du rêve dans la vie, qui prendra Jean par la main jusqu’à la fin de ses jours, jusqu’au moment où il comprendra vraiment tout.
Il y a une grande intentionnalité à vouloir dire que, dans le charisme salésien en faveur des enfants les plus pauvres, les plus démunis et privés d’affection, la dimension de les traiter avec « douceur », avec douceur et charité, ainsi que la dimension « mariale », sont des éléments indispensables pour ceux qui veulent vivre ce charisme. La Madone a à voir avec la formation à la « sagesse du charisme ». Et c’est pourquoi il est difficile de comprendre que dans le charisme salésien il pourrait y avoir quelqu’un (personne, groupe ou institution) qui laisserait la présence mariale à l’arrière-plan. Sans Marie de Nazareth, nous parlerions d’un autre charisme, non pas du charisme salésien, ni des fils et des filles de Don Bosco. Le P. Ziggiotti le dit d’une manière merveilleuse, dans cette recherche que nous avons faite sur les commentaires des Recteurs Majeurs sur le rêve :
« Je voudrais convaincre tous les Salésiens de ce fait très important, qui illumine toute la vie du Saint d’une lumière céleste et donne donc une valeur indiscutable à tout ce qu’il a fait et dit dans sa vie : la Madone à qui il fut consacré par sa mère dès sa naissance, qui éclaira son avenir dans le rêve des neuf ans et qui revint ensuite le consoler et le conseiller, sous mille formes, dans les rêves, dans l’esprit prophétique, dans la vision intérieure de l’état des âmes, dans les miracles et les grâces sans nombre, qu’il opérait en l’invoquant, la Vierge Marie est tout pour Don Bosco ; et le Salésien qui veut acquérir l’esprit du Fondateur doit l’imiter dans cette dévotion. ».[33]
Docile à l’Esprit, confiant en la Providence
Certes, il y a beaucoup à apprendre. Devenir humble, fort et robuste, c’est se préparer à ce qui nous attend. Jean Bosco devra être obéissant, docile à la sagesse du Maître. Il devra apprendre à voir et à découvrir les processus de transformation, comprendre que l’itinéraire, le chemin parcouru avec ces jeunes conduit à la vie, et à la rencontre avec le Seigneur du rêve et avec sa mère, conduit à Jésus et à Marie. Jean Bosco a découvert tout cela.
Ce qui est en jeu, c’est l’obéissance à Dieu, la docilité à l’Esprit. Marie est Celle qui « laisse les choses arriver », qui laisse se réaliser en elle ce que Dieu a pensé et rêvé, au point d’exprimer son « fiat » à Dieu et de proclamer : « le Seigneur fit pour moi des merveilles ». De même aussi le Salésien, la Fille de Marie Auxiliatrice, chaque Salésien Coopérateur, chaque Dévot de Marie Auxiliatrice, chaque membre de notre Famille Salésienne, qui est la Famille de Don Bosco, devra apprendre et faire sien ce style de docilité à l’Esprit. J’ajoute que j’aimerais que ce style prenne vraiment corps à toutes les étapes de la formation initiale et de la formation permanente dans chaque Groupe, Congrégation et Institution salésienne. Et n’oublions pas que les « formateurs » et les « personnes en formation » devraient être – nous devrions être – les premiers à « nous laisser former » par l’Esprit, comme Marie.
Le rêve offre, comme aucun autre élément, comme aucune autre réalité, ce que je crois que l’on peut définir comme des indices « inaliénables » de l’ADN du charisme. Ce sont ces indices ou « principes » qui peuvent nous aider à lire, à discerner et à agir en harmonie avec la fidélité créatrice.
Et n’oublions pas qu’il s’agit d’une tâche communautaire que nous devons accomplir ensemble, « de manière synodale », pourrions-nous dire aujourd’hui dans la ligne des récents travaux synodaux, en tant que Famille Salésienne.
Accompagner Don Bosco dans sa réflexion sur son rêve des neuf ans, c’est aussi souligner son abandon à la Providence, c’est nous placer, comme lui, dans le « Tu comprendras tout en son temps ». Pour Don Bosco, le rêve même était une action de la Providence. Voilà la conviction radicale, le choix fondamental de la vie, « l’essence de l’âme de Don Bosco », le point central, la partie la plus profonde et la plus intime de sa personne. Il ne fait aucun doute que l’abandon à la Divine Providence, comme il l’avait appris de sa mère, a été décisif pour notre père et doit être pour nous la garantie de la continuité de la spiritualité salésienne. C’est l’abandon à Dieu, la confiance en Dieu, parce que le Dieu que Don Bosco a appris à aimer est un Dieu fiable. Il agit vraiment dans l’histoire, et il l’a fait dans l’histoire de l’Oratoire, au point que Don Bosco est allé jusqu’à dire aux Directeurs salésiens, le 2 février 1876 :
« Les autres Congrégations et Ordres religieux ont eu à leurs débuts quelque inspiration, quelque vision, quelque fait surnaturel qui a donné une impulsion à la fondation et en a assuré l’établissement. Mais le plus souvent, cela s’est arrêté à un ou quelques-uns de ces faits. Mais ici, chez nous, les choses se passent bien différemment. On peut dire qu’il n’y a rien qui n’ait été connu auparavant. Aucun pas n’a été fait par la Congrégation sans qu’un fait surnaturel ne le conseille, aucun changement ou perfectionnement ou élargissement qui n’ait été précédé d’un commandement du Seigneur… Nous aurions pu, par exemple, écrire toutes les choses qui nous sont arrivées avant qu’elles n’arrivent et les écrire minutieusement et avec précision. »[34]
Cependant, « pas avec des coups ». L’art de la douceur et de la patience pédagogique
Le rêve ne nous parle pas seulement d’un passé, mais aussi d’un présent, d’un aujourd’hui extrêmement actuel. Le « pas avec les coups » que la Madone dit à Jean dans le rêve nous interpelle encore aujourd’hui, et rend plus nécessaire que jamais de réfléchir sur notre manière salésienne d’éduquer les jeunes, car le discours de la haine et de la violence ne cesse d’augmenter. Notre monde devient de plus en plus violent et nous, éducateurs et évangélisateurs des jeunes, devons être une alternative à ce qui angoissait tant le petit Jean dans son rêve et qui nous fait tant de mal aujourd’hui. Comme l’a dit le Recteur Majeur, le P. Pascual Chávez, dans l’Étrenne de 2012,[35] il ne fait aucun doute que nous devrons « affronter les loups » qui veulent dévorer le troupeau : l’indifférentisme, le relativisme éthique, le consumérisme qui détruit la valeur des choses et des expériences, les fausses idéologies, et tout ce qui frappe vraiment et qui est une vraie violence.
Je crois que ce message est aussi actuel aujourd’hui qu’il l’était lorsque Giovannino (notre futur Don Bosco, père et maître) l’a reçu.
Le « pas avec les coups » est un « non absolu ». C’est très clair, et c’est la seule correction – on pourrait presque dire un reproche – que Jean Bosco reçoit dans son rêve. Et avant toute chose, c’est une certitude pour nous, la grande certitude que le chemin de la force et de la violence ne mène pas dans la bonne direction du charisme. Les « coups » du rêve peuvent prendre mille formes aujourd’hui. En fait, je me suis intéressé à lire, à réfléchir et à préciser de nombreuses formes de violence plus ou moins subtiles qui nous entourent et qui doivent être bannies de notre horizon éducatif et pastoral et de notre univers charismatique.
« Pas avec les coups » signifie lutter consciemment et sans aucune justification contre toutes sortes de violences :
Violence physique qui porte atteinte au corps (pousser, donner des coups de pied, gifler, coincer contre le mur, lancer des objets).
Violence psychologique et verbale qui nuit à l’estime de soi. La violence qui insulte et disqualifie, qui isole, qui surveille et contrôle sans respect. Violence et abus psychologique qui font que certaines personnes ont l’impression qu’elles ne donnent jamais assez d’elles-mêmes. Violence qui fait que les gens se considèrent toujours comme différents et dans l’erreur, voire immatures pour avoir pensé honnêtement ce qu’ils pensent. Violence et abus de la part de ceux qui ne s’intéressent à l’autre que lorsqu’ils veulent en tirer profit.
Violence affective et sexuelle qui nuit au corps, au cœur et aux affections les plus intimes, qui laisse des traces de douleur indélébiles et peut se manifester verbalement ou par écrit, avec des regards ou des signes qui dénotent obscénité, harcèlement, intimidation et même abus.
Violence économique par laquelle l’argent qui vous appartient ou qui est utilisé pour faire le bien est retenu, détourné, volé.
La violence est aussi une cyberviolence, une « cyberintimidation » avec harcèlement par le biais de l’internet, de sites web, de blogs, de textos ou de messages électroniques, ou encore de vidéos.
Violence qui découle de l’exclusion sociale où des personnes, des étudiants, des adolescents sont exclus ou humiliés publiquement, sans aucun respect.
Violence caractérisée par la maltraitance, par des verbes tels que menacer, manipuler, dévaloriser, nier, remettre en cause, humilier, insulter, disqualifier, se moquer, montrer de l’indifférence.
Il ne fait aucun doute que, charismatiquement, nous possédons l’antidote à ces situations qui nuisent à la vie. Il s’agit du génie pastoral de Don Bosco : « En nous souvenant, d’autre part, que l’intervention de Marie dans le premier rêve de Jean Bosco a été initialement de configurer le « génie apostolique » qui nous caractérise dans l’Église, je vous invite à concentrer ensemble notre réflexion sur le projet qui caractérise notre génie pastoral : le Système Préventif. »[36]
ELLE, la Dame : Maîtresse et Mère
La Dame du rêve se présente comme Maîtresse et Mère. Elle est la mère des deux : du majestueux Seigneur du rêve et de Giovannino lui-même ; une mère – permettez-moi la paraphrase – qui, le prenant par la main, lui dit :
« Regarde » : combien il est important pour nous de savoir regarder, et combien il est grave de ne pas « voir » les jeunes dans leur réalité, dans ce qu’ils sont ; quand nous ne réussissons pas à voir ce qu’il y a de plus authentique en eux, et ce qu’il y a de plus tragique et de plus douloureux en eux et dans leur vie. « Regarde » est le premier mot que dit la « dame d’aspect majestueux, vêtue d’un manteau qui resplendissait de toutes parts comme si chaque point eût été une étoile éclatante. »
Sans vouloir trop « interpréter » un seul verbe, il me semble qu’il y a là un signe « préventif » de ce que sera en fait le chemin que notre père devra suivre, fait avant tout d’apprentissage par l’expérience. Pensons combien les yeux comptent dans la vie de Don Bosco… C’est ce qu’il voit, lorsqu’il arrive à Turin – ou plutôt ce que Cafasso l’aide à voir – qui donne naissance à notre mission. C’est à partir de la façon dont il voit chaque garçon (on se souvient des premières rencontres dans les biographies qu’il écrit) : il y a là l’incipit qui est comme un miracle suivi de tout le reste, à la fois pour Savio, pour Magon, pour Cagliero, pour Rua… Au musée de Chieri, il y a une sculpture représentant les yeux et les regards de Don Bosco, qui était restée à côté de son autel en 1988. Il y a quelque chose d’unique dans son regard et le « regarde » dit par la Dame du rêve n’en est pas moins original et unique.
C’est précisément autour du « regard » qu’il est possible de trouver une référence explicite à un mot aussi fondamental pour nous que l’assistance. Et nous savons tous à quel point c’est essentiel.
Mon attention, cependant, ne s’éloigne pas beaucoup du pré des rêves aux Becchi, parce qu’en fait, sans qu’il ne s’en rende compte, Giovannino se formera par l’expérience : il apprendra de la vie, surtout dans les moments d’extrême difficulté et de fatigue.
« Regarde » amène la personne à se décentrer d’elle-même, à saisir quelque chose qui dépasse son horizon et son imagination et qui devient une invitation, un défi, une provocation, un appel et un guide. Car cela demande une implication pleine et entière à travers laquelle Jean fera tout son possible en faveur des jeunes. C’est à partir de là que nous pouvons aussi saisir l’importance de l’environnement dans toute la pédagogie salésienne.
Rien n’est enlevé au soin indispensable de l’intériorité et du silence. Nous sommes appelés à lever le regard, aussi bien quand nous le fixons sur le mystère de Dieu que lorsque nous passons à côté de l’homme qui « descendait de Jérusalem à Jéricho et tomba sur des bandits. » (Lc 10,30) Et c’est ce qui a toujours caractérisé la personne de Don Bosco, de l’enfance à la fin de sa vie.
« Apprends » : Devenir humble, fort et robuste, parce qu’il y a un besoin de simplicité face à tant d’arrogance ; la force face à tant de choses auxquelles on doit faire face dans la vie ; et cette robustesse qu’est la résilience, ou la capacité de ne pas se décourager, de ne pas « baisser les bras » lorsqu’il semble que l’on soit incapable de faire quelque chose.
Il est intéressant de noter que ce qui rend Jean « doux » (humble, fort, robuste), ce sont les événements (l’expérience) que la Providence (Marie) met sur son chemin. Par exemple, quelque temps après le rêve, en février 1828 (alors qu’il n’avait que douze ans), Maman Marguerite a été forcée de l’éloigner de la maison à cause des conflits avec Antoine. Le soir, Jean arrive à la ferme Moglia où il est accueilli plus par pitié que par réel besoin – ce n’est pas en hiver que l’on cherchait des garçons de ferme. Quoi qu’il en soit, la ferme est assez éloignée mais en même temps assez proche de Moncucco où se trouve l’un des meilleurs curés que le diocèse de Turin ait eus, Don Francesco Cottino (dont pour l’instant notre littérature salésienne parle encore très peu). Jean le rencontre tous les dimanches. C’est le premier « face à face », la première rencontre avec un vrai guide pour Jean. Ainsi, une saison qui ne pouvait être que triste et sombre devient une occasion très importante pour son cheminement. On sait aussi que le 3 novembre 1829, son oncle Michel le ramena dans sa famille, aux Becchi, et que le 5 novembre, Jean rencontrera Don Calosso à son retour de la mission de Buttigliera.
C’est pourquoi je considère qu’il est très important d’insister fortement sur l’incroyable accompagnement-direction de la Providence. Jean y correspond en s’impliquant librement. Cependant, les événements et les personnes qui se succèdent au bon moment sont les artisans de cet « humble, fort et robuste » indispensable à la mission qui, entre-temps, mûrit de plus en plus en lui.
Il y a donc un primat de la Grâce qui vaut avant tout pour nous si nous sommes capables de nous laisser former, et qui devient ainsi fécond pour la mission. Au point qu’il n’y a plus de limites ou de difficultés qui empêcheraient la croissance vers cette plénitude de vie qu’est la sainteté, quel que soit le contexte, même le plus exigeant.
Évidemment, tout cela ne nous dispense pas de faire tous les efforts nécessaires pour améliorer les situations et surmonter les injustices. En effet, Don Bosco va « s’allier » avec la Providence sans limiter ses efforts, ses rencontres, la rédaction de contrats de travail pour défendre et protéger les jeunes apprentis qui sont les hôtes du premier oratoire. Surtout, Don Bosco ne les prive pas du ciel ! mais leur indique qu’il y a toujours « quelque chose de plus », un objectif supérieur auquel tout le monde peut accéder.
Une leçon similaire a été suggérée par sainte Mère Thérèse de Calcutta avec ses efforts « inutiles » pour les moribonds de Calcutta. Entre autres choses, sur une affiche qu’elle avait écrite à la main et accrochée dans sa chambre au début de sa nouvelle vie pour les plus pauvres d’entre les pauvres, elle avait écrit ces mots noir sur blanc : « Da mihi animas cætera tolle ».
« Et soyez patients », c’est-à-dire donnons du temps à tout et laissons Dieu être Dieu.
4. UN RÊVE QUI FAIT RÊVER
Chers membres de la Famille Salésienne, je ne peux pas conclure mon commentaire sur l’Étrenne sans exprimer pour les jeunes et pour nous, les nombreux rêves que je porte dans mon cœur. Ils peuvent s’identifier au désir de continuer à grandir dans la fidélité charismatique ; ou à l’aspiration et à la provocation sereine face à des changements qui nous sont difficiles, aux résistances qui peuvent étouffer le feu vivant de notre charisme. Ou encore des pulsions qui veulent traduire en réalité le rêve même de Don Bosco, mais deux cents ans plus tard !
Ces rêves, je les partage avec vous, dans l’espoir que quiconque me lit, où qu’il se trouve dans le vaste monde salésien, puisse sentir que quelque chose de ce qui est écrit ici lui est aussi destiné. Voici quelques éléments qui me semblent concrets pour la réalisation du rêve des neuf ans :
Don Bosco nous a montré tout au long de sa vie que seules les relations authentiques transforment et sauvent. Le Pape François nous dit la même chose : « Il ne suffit donc pas de disposer de structures, si on ne développe pas en leur sein d’authentiques relations ; c’est, de fait, la qualité de ces relations qui évangélise.»[37] C’est pourquoi j’exprime le désir que chaque maison de notre Famille Salésienne soit ou devienne un espace vraiment éducatif, un espace de relations respectueuses, un espace qui aide à grandir de manière saine. En cela, nous pouvons et nous devons faire la différence, parce que les relations authentiques sont à l’origine de notre charisme, à l’origine de la rencontre avec Barthélemy Garelli, à l’origine de la vocation même de Don Bosco.
Chaque choix de Don Bosco faisait partie d’un projet plus grand : le plan de Dieu pour lui. Par conséquent, aucun choix n’était superficiel ou banal pour Don Bosco. Son rêve n’était pas une anecdote de sa vie, ni un simple événement, mais une réponse vocationnelle, un choix, un chemin, un programme de vie qui prenait forme au fur et à mesure qu’il était vécu. Je rêve donc que chaque Salésien, chaque membre de la Famille de Don Bosco, éprouve, par vocation et par choix, de se sentir mal à l’aise et qu’il fasse l’expérience directe de la douleur, de la fatigue et de la peine de tant de familles et de jeunes qui luttent chaque jour pour survivre, ou pour vivre avec un peu plus de dignité. Et qu’aucun de nous ne soit réduit à être un spectateur passif ou indifférent face à la douleur et à l’angoisse de tant de jeunes.
« Le rêve premier, le rêve créateur de Dieu notre Père précède et accompagne la vie de tous ses enfants. »[38]NotreDieu a un rêve pour chacun de nous, pour chacun de nos jeunes, un projet pensé, « conçu » pour nous par Dieu lui-même. Le secret du bonheur tant désiré de tous sera précisément celui de découvrir la correspondance et la rencontre entre ces deux rêves : le nôtre et celui de Dieu. Et donc, comprendre ce qu’est le rêve de Dieu pour chacun de nous signifie, tout d’abord, réaliser que le Seigneur nous a donné la vie parce qu’il nous aime, au-delà de ce que nous sommes, y compris de nos limites. Nous devons donc croire que notre Dieu veut faire de grandes choses en chacun de nous ! Nous sommes tous précieux, nous avons une grande valeur, parce que, sans chacun de nous, il manquera quelque chose dans le monde et dans l’Église. En fait, il y aura des gens que je suis le seul à pouvoir aimer, des mots que je suis le seul à pouvoir dire, des moments que je suis le seul à pouvoir partager.
Et sans rêves, il n’y a pas de vie. Pour les êtres humains, pour nous tous, rêver, c’est se projeter, avoir un idéal, un sens dans la vie. La pire pauvreté des jeunes est de les empêcher de rêver, de les priver de leurs rêves ou de leur imposer des rêves inventés. Chacun de nous est un rêve de Dieu. Il est important de découvrir quel est mon rêve, quel rêve Dieu a pour moi. Et nous devons essayer de le développer, de le réaliser, parce que notre bonheur et celui de nos frères et sœurs en dépendent. Souvenons-nous de la façon dont Don Bosco pleura d’émotion et de joie lorsque, le 16 mai 1887, « il vit se réaliser » le rêve qui définissait sa vie, sa vocation, sa mission.
Dieu fait de grandes choses avec des « outils simples » et nous parle de multiples façons, même au plus profond de notre cœur, à travers les sentiments qui nous animent, à travers la Parole de Dieu reçue avec foi, approfondie avec patience, intériorisée avec amour, suivie avec confiance. Aidons-nous nous-mêmes, ainsi que nos garçons, nos filles et nos jeunes, à écouter leur cœur, à déchiffrer leurs mouvements intérieurs, à exprimer ce qui s’agite en eux et en nous, à reconnaître quels signes ou « rêves » révèlent la voix de Dieu et lesquels, au contraire, sont le résultat de choix erronés.
« Les difficultés et les fragilités des jeunes nous aident à être meilleurs, leurs questions nous défient, leurs doutes nous interpellent sur la qualité de notre foi. Leurs critiques aussi nous sont nécessaires, car bien souvent, à travers elles, nous écoutons la voix du Seigneur qui nous demande de convertir notre cœur et de renouveler nos structures.»[39] Un éducateur authentique sait découvrir avec intelligence et patience ce que chaque jeune porte en lui-même, et en tant que tel, il agira avec compréhension et affection, cherchant à se faire aimer.[40] Je rêve et je désire rencontrer chaque jour, dans chaque maison salésienne du monde, des Salésiens et des laïcs qui croient au miracle que l’éducation et l’évangélisation salésiennes ont le pouvoir de réaliser.
Vivre humainement, c’est « devenir », c’est se réaliser, c’est jouir des résultats qui sont le fruit de processus patients par lesquels Dieu agit et intervient dans nos vies. Comme je souhaite que notre passion éducative ressemble à celle de Don Bosco, « père de la bonté affectueuse salésienne » [« amorevolezza »] , afin que dans toutes nos présences dans le monde, les garçons et les filles rencontrent non seulement des professionnels formés, mais de véritables éducateurs, frères, amis, pères et mères.
Don Bosco, « prêtre des rues » avant la lettre, s’est littéralement consumé dans cette entreprise. Les Salésiens (et ceux qui s’inspirent de Don Bosco) sont en effet « les enfants d’un rêveur d’avenir », mais d’un avenir qui se construit dans la confiance en Dieu et dans l’immersion et le travail quotidiens dans la vie des jeunes, au milieu des fatigues et des incertitudes de chaque jour.[41] Et c’est pourquoi la rencontreavec le Seigneur de la Vie, en aidant chaque jeune à découvrir son propre rêve, le rêve de Dieu en chacun, et en le soutenant sur son chemin de réalisation, est le don le plus précieux que nous puissions offrir aux jeunes. Comme je souhaite que cela se produise dans toutes nos maisons !
Alors que le cœur de Don Bosco battait à tout moment, nous, « convaincus que chaque jeune porte inscrit dans son cœur le désir de Dieu, nous sommes appelés à offrir des occasions de rencontre avec Jésus, source de vie et de joie pour chaque jeune. »[42] Don Bosco ne pouvait tolérer que dans ses maisons, ses fils et ses filles ne proposent pas aux garçons, aux filles, aux adolescents et aux jeunes la rencontre avec Jésus – même dans la liberté avec laquelle nous éduquons aujourd’hui à la foi dans les contextes les plus divers. Aujourd’hui encore, nous sommes appelés à le faire connaître, à découvrir comment Il fascine chaque personne et à aider les jeunes d’autres religions à être de bons croyants dans leur propre foi et leurs propres idéaux. Je rêve que cela devienne une réalité dans toutes les maisons salésiennes du monde.
« Partout, l’Œuvre Salésienne doit tendre vers les jeunes les plus pauvres et les plus nécessiteux de la société, et doit utiliser avec eux les mille moyens inspirés par la charité qui anticipe. Don Bosco pleurait en voyant tant de jeunes grandir dans la corruption et l’incroyance ; et il aurait voulu pouvoir étendre ses soins – veiller, admonester, instruire en un mot, prévenir – à tous les jeunes du monde (…) C’est pourquoi, en acceptant de nouvelles fondations, il donnait la préférence aux lieux où les jeunes tournaient mal parce qu’abandonnés. »[43] Je rêve vraiment de voir, un jour, toute la Congrégation Salésienne avoir le même dévouement que Don Bosco avait envers ses garçons les plus pauvres. Je rêve de voir chacun de mes confrères donner joyeusement sa vie en faveur des plus petits. Dans de nombreux cas, il en est déjà ainsi. Je rêve que chacune de nos maisons soit remplie de cette « odeur de brebis » à laquelle le Pape François fait référence aujourd’hui pour toute personne appelée à une vocation apostolique. Et je le souhaite aussi à toute notre Famille Salésienne : personne ne doit se sentir exclu de cet appel.
« La vie de Jean avant son ordination sacerdotale est vraiment un chef-d’œuvre d’itinéraire vocationnel. »[44] Parlant de la vocation aux jeunes, le Pape François dit : « Je suis une mission sur cette terre, et pour cela je suis dans ce monde. Par conséquent, il faut penser que toute pastorale est vocationnelle, toute formation est vocationnelle et toute spiritualité est vocationnelle. »[45] Comme Don Bosco l’a toujours fait, je considère qu’il est de notre devoir d’aider chaque jeune, dans toutes nos propositions, à découvrir ce que Dieu attend de lui, à avoir des idéaux qui le fassent « voler haut », à donner le meilleur de lui-même, à désirer vivre la vie comme un don et un don de soi.
Marie brille par son rôle de mère et de gardienne. Quand, très jeune, elle a reçu l’annonce de l’ange, elle n’a pas hésité à poser des questions. Quand elle a accepté et dit « oui », elle a tout misé, en prenant un risque. Quand sa cousine a eu besoin d’elle, elle a mis de côté ses projets et ses besoins et elle est partie « avec empressement » (Lc 1,39). Quand la douleur de son Fils l’a frappée, elle a été la femme forte qui l’a soutenu et accompagné jusqu’à la fin. Elle, la Mère et Maîtresse, regarde le monde des jeunes qui la cherchent, même s’il y a beaucoup de bruit et d’obscurité sur le chemin. Elle parle dans le silence et entretient la lumière de l’espérance.[46] Je rêve vraiment que, dans la fidélité à Don Bosco, nous fassions en sorte que nos garçons, nos filles, nos jeunes tombent amoureux de cette Mère, tout autant que lui, parce que « la Vierge est tout pour Don Bosco ; et le Salésien qui veut acquérir l’esprit du Fondateur doit l’imiter dans cette dévotion. »[47]
5. DU RÊVE DES NEUF ANS À L’AUTEL DES LARMES
Je suis arrivé à la fin de ce commentaire. Je pourrais continuer, mais je crois que ce que j’ai écrit peut toucher le cœur de tout le monde. En soi, ce serait déjà une très bonne nouvelle.
Je veux simplement vous inviter à une minute d’intériorisation et de contemplation devant ce texte des Memorie Biografiche qui décrit en quelques lignes ce que Don Bosco a ressenti, versant de grosses larmes, devant l’autel de Marie Auxiliatrice dans la basilique du Sacré-Cœur de Jésus, à Rome, quelques jours à peine après sa consécration.
Dans ces moments-là, Don Bosco vit et entendit la voix de sa mère Marguerite, les commentaires de ses frères et de sa grand-mère qui évaluaient le rêve, le remettant même en question. C’est là, à ce moment-là, soixante-deux ans plus tard, qu’il a tout compris, comme la Maîtresse le lui avait prédit.
Ce récit m’émeut à chaque fois et c’est pour cette raison que je vous invite à le relire et à le méditer personnellement. Encore une fois :
« Pas moins de quinze fois, pendant le divin sacrifice, rapportent les Memorie Biografiche, Don Bosco s’arrêta, saisi d’une vive émotion et versant des larmes. Viglietti, qui l’assistait, dut le rappeler de temps en temps à la réalité, afin qu’il puisse continuer. Lui ayant demandé quelle avait été la cause de tant d’émotion, Don Bosco répondit : » J’avais devant les yeux la scène où, vers l’âge de dix ans, je rêvais de la Congrégation. Je voyais et j’entendais ma mère et mes frères interpréter le rêve… » La Vierge lui avait dit alors : « Tu comprendras tout en son temps. » Soixante-deux ans de labeur, de sacrifices et de luttes s’étaient écoulés depuis ce jour-là, et un éclair soudain lui avait révélé, dans la construction de l’église du Sacré-Cœur à Rome, le couronnement de la mission qui lui avait été mystérieusement annoncée au début de sa vie. »[48]
Je crois vraiment que Marie Auxiliatrice continue d’être une vraie Mère et Maîtresse de vie pour toute notre Famille, encore aujourd’hui. Je suis convaincu que les paroles prophétiques du premier rêve prononcées par le Seigneur Jésus et Marie continuent d’être une réalité dans tous les lieux où le charisme de notre Père, don de l’Esprit, s’est enraciné. Et je suis sûr que dans chaque maison, au-delà de nos efforts et de nos fatigues, nous pouvons appliquer ce que Don Bosco disait à propos du Sanctuaire du Valdocco :
« Chaque brique est une grâce de Marie Auxiliatrice. Nous n’avons rien fait sans son intervention directe. C’est Elle-même qui a construit sa propre maison, et c’est une merveille à nos yeux ! »
Immaculée et Auxiliatrice, qu’Elle continue à nous guider tous par la main. Amen.
Turin-Valdocco, le 8 décembre 2023
P. Ángel Card. Fernández Artime, S.D.B.
Recteur Majeur
[1] F. Motto, Il sogno dei nove anni. Redazione, storia, criteri di lettura, in «Note di pastorale giovanile» 5 (2020), 6.
[2] P. Stella, Don Bosco nella storia della religiosità cattolica. 1. Vita e opere, LAS, Roma 1979, 31s.
[3] P. Chávez V., Connaissant et imitant Don Bosco, faisons des jeunes la mission de notre vie, in AGC 412 (2012), 35-36. (p. 41 dans l’édition en langue française).
[4] F. Motto, o.c., 6.
[5] G. Bosco, Memorie dell’Oratorio di S. Francesco di Sales dal 1815 al 1855 (en français, nous nous référons à Souvenirs autobiographiques, traduction d’André Barucq, Apostolat des Éditions, Paris, 1978).
[6] Cf. Ph. Rinaldi, Lettre circulaire publiée in ACS Année V – n° 26 (24 octobre 1924), 312-317.
[7] G. Bosco, Memorie dell’Oratorio di S. Francesco di Sales dal 1815 al 1855, in Institut Historique Salésien, (Essai introductif et notes historiques éditées par A. da Silva Ferreira), « Fonti », première série, 4, mars 1991. Cf. A. Bozzolo, Le rêve des neuf ans, 3.1 Structure narrative et mouvement onirique in A. Bozzolo, Les rêves de Don Bosco. Expérience spirituelle et sagesse éducative, LAS-Rome, 2017, p. 235.
[8] R. Ziggiotti (édité par Marco Bay), Tenaci, audaci e amorevoli [Tenaces, audacieux et aimants]. Lettres circulaires aux Salésiens par le P. René Ziggiotti, LAS, Rome 2015, 575.
[9] Le Salésien Coadjuteur Marco Bay a été professeur à l’Université Pontificale Salésienne de Rome ; il est actuellement Directeur des Archives Centrales Salésiennes de Rome (UPS). Il m’a généreusement remis les recherches qu’il avait effectuées sur les références que les précédents Recteurs Majeurs avaient faites au rêve des neuf ans.
Je voudrais également profiter de cette occasion pour remercier le P. Luis Timossi, sdb, du Centre de formation permanente de Quito, et le P. Silvio Roggia, sdb, Directeur de la communauté du bienheureux Ceferino Namuncurá à Rome, pour leurs notes et leurs suggestions.
[10] P. Albera, Direction Générale des Œuvres Salésiennes, Lettres circulaires du P. Paul Albera aux Salésiens, Turin 1965, n. 123 ; 315 ; 339.
[11] Ph. Rinaldi, Lettre circulaire publiée in ACS Année V – n° 26 (24 octobre 1924), 312-317.
[12] Ibidem.
[13] La commémoration d’un « rêve », in BS année XLIX, 6 (juin 1925), 147.
[14] P. Ricaldone, Année XVII. 24 mars 1936, n° 74.
[15] P. Ricaldone, op. cit.,78.
[16] R. Ziggiotti, op. cit.,129.
[17] R. Ziggiotti, op. cit., 264.
[18] L. Ricceri, La parola del Rettor Maggiore. Conferenze, Omelie Buone notti [La parole du Recteur Majeur. Conférences, Homélies, Mots du soir] v. 9, Province Centrale Salésienne, Turin 1978, n. 27.
[19] Ibid., p. 28.
[20] E. Viganò, Lettres circulaires du P. Egidio Viganò aux Salésiens, vol. 1, Rome, Direction Générale des Œuvres de Don Bosco, 1996, n. 10.
[21] MB VII, 291. Cité dans J. E. VECCHI, Educatori appassionati esperti e consacrati per i giovani. Lettere circolari ai Salesiani di don Juan E. Vecchi [Éducateurs passionnés, expérimentés et consacrés pour les jeunes …]. Introduction, mots-clés et index par Marco Bay, LAS, Rome 2013, 380.
[22] P. Stella, Don Bosco nella storia della religiosità cattolica. Vol. II, p. 32. Cité in J. E. VECCHI, op. cit., p. 381.
[23] P. ChÁvez Villanueva, Lettres circulaires aux Salésiens (2002-2014). Introduction et index par Marco Bay. Présentation du P. Ángel Fernández Artime, Rome, LAS, 2021, p. 450.
[24] F. Motto, op. cit., 8.
[25] Ibid., p. 10.
[26] G. Bosco, Memorie dell’ Oratorio, cité in F. Motto, op. cit., 9.
[27] F. Motto, op. cit., 10.
[28] Cité in P. Ricaldone, Année XVII. 24 mars 1936, n° 74.
[29] J. Bosco, op. cit., 1177.
[30] P. Ricaldone, Année XX, novembre-décembre 1939 n. 96.
[31] A. Bozzolo (éd.), Il Sogno dei nove anni. Questioni ermeneutiche e lettura teologica [Le rêve des neuf ans.Questions herméneutiques et lecture théologique], LAS, Rome 2017, 264.
[32] E. Viganò, Lettres circulaires du P. Egidio Viganò aux Salésiens, vol. 1, Rome, Direction Générale des Œuvres de Don Bosco, 1996, p. 10.
[33] R. Ziggiotti, op. cit., 264.
[34] F. Motto, op. cit., 7.
[35] Cf. P. Chávez : « Connaissant et imitant Don Bosco, faisons des jeunes la mission de notre vie ». Première année de préparation au Bicentenaire de sa naissance. Étrenne 2012, in ACG 412 (2012), 3-39.
[36] E. Viganò, Lettres circulaires du P. Egidio Viganò aux Salésiens, vol. 1, Rome, Direction Générale des Œuvres de Don Bosco, 1996, p. 31.
[37] Synode des ÉvÊques, Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. Document final. Elledici, Turin, 2018, nº128.
[38] Pape François, Christus vivit. Exhortation Apostolique postsynodale aux jeunes et à tout le Peuple de Dieu, LEV, Cité du Vatican 2019, nº194.
[39] Synode des ÉvÊques, Les jeunes …, nº116.
[40] Cf. XXIII Chapitre Général Salésien, Éduquer les jeunes à la foi, CCS, Madrid, 1990, nº 99.
[41] Cf. F. Motto, op. cit.,14.
[42] R Sala, Il sogno dei nove anni. Redazione, storia, criteri di lettura, in «Note di pastorale giovanile» 5 (2020), 21.
[43] Ph. Rinaldi, Il sac. Filippo Rinaldi ai Cooperatori ed alle Cooperatrici Salesiane. Un’altra data memoranda [Le P. Philippe Rinaldi aux Coopérateurs et Coopératrices Salésiens. Une autre date mémorable] in BS, Année XLIX, 1 (janvier 1925), 6.
[44] E. ViganÒ, Lettres circulaires du P. Egidio Viganò aux Salésiens, vol. 2, Rome, Direction Générale des Œuvres de Don Bosco, 1996, p. 589.
[45] Pape François, Christus vivit, nº254.
[46] Cf. Pape François, op. cit., 43-48, 298.
[47] R. Ziggiotti, op. cit., 264.
[48] MB XVIII, 341.