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Saint Luigi Orione : “Mes plus belles années ont été celles passées à l’oratoire salésien”.


Un souvenir émouvant du saint Don Orione.
Qui ne connaît pas la chanson “Giù dai colli, un dì lontano con la sola madre accanto” ? Très peu, je pense, puisqu’elle est encore chantée dans des dizaines de langues et dans plus de 100 pays du monde. En revanche, je pense que très peu connaissent le commentaire fait par le vieux Père (St) Luigi Orione pendant la messe (chantée !) du 31 janvier 1940 par les Orionini de Tortona à 4h45 du matin (exactement l’heure à laquelle Don Bosco était mort 52 ans plus tôt). Voici ses paroles exactes (tirées des sources Orione) :
“L’hymne à Don Bosco qui commence par “Giù dai colli” a été composé et mis en musique pour la béatification de Don Bosco. L’explication de la première strophe est la suivante. À la mort du saint, le gouvernement de l’époque, malgré le fait que tous les jeunes le voulaient et que tout Turin le voulait, ne permit pas à Don Bosco, à son corps, d’être enterré à Marie Auxiliatrice et il sembla que ce fut une grande faveur que le cher corps soit enterré à Valsalice… une belle maison ! Le corps fut donc transporté à Valsalice et c’est là que, chaque année jusqu’à la béatification, les élèves salésiens sont allés rendre visite au Père le jour de la mort de Don Bosco, pour prier. Après la béatification de Don Bosco, son corps a été transporté à Marie Auxiliatrice. Et le verset que vous avez chanté “Aujourd’hui, ô Père, tu reviens” le rappelle également. Il célèbre le retour de Don Bosco parmi les jeunes, de Valsalice – qui est sur une colline au-delà du Pô – à Turin, qui est dans la plaine”.

Ses souvenirs de ce jour

Le Père Orione poursuit : “Le Seigneur m’a fait la grâce d’être présent, en 1929, à ce transport, qui fut un triomphe au milieu de Turin en fête, au milieu d’une joie et d’un enthousiasme indicibles. Moi aussi, j’étais près du char triomphal. Tout le voyage s’est fait à pied, de Valsalice à l’Oratoire. Et avec moi, juste derrière le char, il y avait un homme en chemise rouge, un Garibaldino ; nous étions tout près l’un de l’autre, côte à côte. C’était l’un des plus anciens des premiers élèves de Don Bosco ; lorsqu’il apprit que le corps de Don Bosco était transporté, il se plaça lui aussi derrière la charrette. Et ils ont tous chanté : “Don Bosco revient parmi les jeunes”. Dans ce transport, c’était la joie, les jeunes chantaient et les Turinois agitaient des mouchoirs et lançaient des fleurs. Nous sommes également passés devant le Palais Royal. Je me souviens qu’au balcon se tenait le Prince du Piémont, entouré de généraux ; la voiture s’arrêta un instant et il fit un signe d’approbation ; les supérieurs salésiens inclinèrent la tête, comme pour le remercier de cet acte d’hommage à Don Bosco. Puis le char rejoignit Marie Auxiliatrice. Et quelques minutes plus tard, le Prince est venu lui aussi, entouré des membres de la Maison Royale, pour faire un acte de dévotion au nouveau Bienheureus”.

“Mes plus belles années
Le jeune Louis Orione avait vécu trois ans avec Don Bosco, de 1886 à 1889. Il s’en souvenait quarante ans plus tard en ces termes émouvants : “Mes meilleures années ont été celles passées à l’oratoire salésien. “Oh, si je pouvais revivre ne serait-ce que quelques-uns de ces jours passés à l’Oratoire, Don Bosco vivant ! Il avait tellement aimé Don Bosco que dernier lui avait été accordé, à titre exceptionnel, de se confesser à lui, même lorsque ses forces physiques étaient au plus bas. Lors de la dernière de ces conversations (17 décembre 1887), le saint éducateur lui avait confié : “Nous serons toujours amis”.

Pendant le transfert du corps de Don Bosco de Valsalice à la Basilique de Marie Auxiliatrice, on voit le Père Luigi Orione en rochet blanc à côté de l’urne

Une amitié totale, la leur, et c’est pourquoi il n’est pas surprenant que peu après, Louis, âgé de 15 ans, rejoigne immédiatement la liste des garçons du Valdocco qui offrirent leur vie au Seigneur pour obtenir la préservation de celle de leur Père bien-aimé. Le Seigneur n’accepta pas sa demande héroïque, mais “rendit la pareille” à sa générosité avec le premier miracle de Don Bosco mort : au contact de son cadavre, l’index de la main droite d’un garçon gaucher fut rattaché et guéri, qu’il avait coupé alors qu’il préparait dans la cuisine des petits morceaux de pain à placer sur le cadavre de Don Bosco, exposé dans l’église de Saint François de Sales, pour les distribuer comme reliques aux nombreux dévots.
Le jeune homme ne devint cependant pas salésien : au contraire, il eut la certitude que le Seigneur l’appelait à une autre vocation, précisément après avoir “consulté” Don Bosco devant sa tombe à Valsalice. La Providence voulut donc qu’il y ait une Famille salésienne de moins, mais une Famille religieuse de plus, la Famille Orione, qui rayonnerait, de façon nouvelle et originale, l'”empreinte” reçue de Don Bosco : amour du Saint Sacrement et des sacrements de la confession et de la communion, dévotion à la Vierge et amour du Pape et de l’Eglise, système préventif, charité apostolique envers les jeunes “pauvres et abandonnés”, etc.

Et Don Rua ?
L’amitié sincère et profonde de Don Orione pour Don Bosco se transforma en une amitié tout aussi sincère et profonde pour Don Rua, qui dura jusqu’à la mort de ce dernier en 1910. En effet, dès qu’il apprit l’aggravation de son état de santé, Don Orione ordonna immédiatement une neuvaine et se précipita à son chevet. Il évoquera plus tard cette dernière visite avec une émotion particulière : “Lorsqu’il est tombé malade, comme j’étais à Messine, j’ai télégraphié à Turin pour demander si je pourrais encore le voir vivant si je partais immédiatement. On m’a répondu par l’affirmative, j’ai pris le train et je suis parti pour Turin. Don Rua m’a accueilli en souriant et m’a donné sa bénédiction très spéciale pour moi et pour tous ceux qui viendraient dans notre Maison.
Je vous assure que c’était la bénédiction d’un saint”.
Lorsqu’il apprit la nouvelle de sa mort, il envoya un télégramme au père (bienheureux) F. Rinaldi : “Ancien élève du vénérable Don Bosco, je me joins aux salésiens pour pleurer la mort du père Rua, qui a été pour moi un père spirituel inoubliable. Ici nous prions tous, Prêtre Orione”. Les Salésiens voulaient enterrer Don Rua à Valsalice, à côté de la tombe de Don Bosco, mais les autorités de la ville rencontrèrent des difficultés. Immédiatement, par un autre télégramme, le 9 avril, don Orione offrit son aide à don Rinaldi : “Si des difficultés surgissent pour enterrer don Rua à Valsalice, envoyez-moi un télégramme, je pourrai facilement les aider”.
Ce fut un grand sacrifice pour lui de ne pas pouvoir traverser l’Italie de Messine à Turin pour assister aux funérailles du Père Rua. Mais maintenant ils sont tous, Bosco, Rua, Orione, Rinaldi, au ciel, côte à côte dans la grande famille de Dieu.

P. Francesco MOTTO
Salésien de Don Bosco, expert de St Jean Bosco, auteur de plusieurs livres. Docteur en histoire et en théologie, conférencier invité à l'Université pontificale salésienne. Cofondateur et directeur pendant 20 ans de l'Institut historique salésien (ISS) et de la revue 'Recherches historiques salésiennes' (1992-2012), il est l'un des fondateurs de l'Association des chercheurs en histoire salésienne (ACSSA), dont il est actuellement le président (2015-2023). Il a été consultant auprès de la Congrégation pour les Causes des Saints (2009-2014).